Hypothèse 1
Selon les configurations d’entreprise en matière d’organisation du travail, de management, de politique de GRH et de formation, les (im)possibilités effectives d’agir, de construction ou de perte de sens ou de (dé)professionnalisation seront contrastées. Nous interrogerons pour cela les configurations susceptibles de donner la possibilité au travailleur de poser des choix, de disposer de marges de manœuvre dans son travail, de construire un projet professionnel en accord non seulement avec les besoins de l’organisation, mais encore avec la finalité et le sens qu’il attribue au travail. Quels environnements organisationnels/managériaux s’avèrent vertueux de ce point de vue ? Quels environnements peuvent au contraire se révéler «déprofessionnalisants», «déqualifiants», «incapacitants», « décapacitants », etc. ?
Hypothèse 2
Les salariés en ENQ sont affectés de façon spécifique par le discours en faveur de l’agir individuel. Ils sont les plus exposés à la flexibilité des effectifs, qui se concrétise soit par un recours accru au licenciement en cas de restructurations, soit par l’engagement de personnels sous statut plus précaire. Pour nombre d’entre eux, le discours autour de l’agir individuel est donc susceptible de représenter un « choc de représentation », une contradiction difficilement compréhensible, potentiellement violente et limitant les possibilités effectives de se réaliser. L’injonction à devenir acteur de son parcours s’inscrit dans ce que Castel nomme l’« injonction à être un individu » (Castel, 2009), c’est-à-dire un mouvement de désengagement et de déresponsabilisation des institutions au profit d’une sur-responsabilisation de l’individu comme acteur de sa vie qui peut apparaître violente, voire oppressante aux personnes fragiles et vulnérables.
Hypothèse 3
La formation ne saurait à elle seule sécuriser les parcours professionnels des salariés en ENQ. Leur sécurité se forge d’abord de manière préventive dans le travail et les possibilités de développement professionnel, de reconnaissance des compétences et des professionnalités qu’offre ce dernier. Notre hypothèse est que la sécurisation des parcours ne relève pas de la seule politique de formation des entreprises mais d’un spectre plus large de facteurs qui englobe l’organisation du travail, les politiques de RH et le management. L’ensemble de ces dimensions façonne le triangle, vertueux ou vicieux, à l’intérieur duquel se définissent les conditions de (im)possibilité d’une sécurité active des parcours professionnels.
Hypothèse 4
Les tensions et exigences contradictoires susceptibles de peser sur les salariés se manifestent dans les collectifs de travail ou dans les instances collectives de représentation au niveau des entreprises, des branches et des territoires. Collectifs et instances forment un groupe d’acteurs distinct des entreprises, dont nous étudierons le rôle et la capacité à être des supports sociaux de l’agir individuel. Le déploiement et l’appropriation d’aptitudes discursives, informationnelles et politiques est susceptible d’être favorisé par ces acteurs collectifs.